Née en 1989, Amalia Soto a développé, sous le pseudonyme de Molly Soda, un important travail artistique en ligne, reposant sur l’analyse des cultures numériques, et plus particulièrement des mécanismes d’exposition de soi sur Internet. Qu’il s’agisse de vidéos dans lesquelles elle se met en scène, de fichiers GIF ou d’interventions sur les réseaux sociaux, Molly Soda explore la relation entre vie intime et vie publique qui structure l’image numérique des jeunes femmes d’aujourd’hui. Dans un travail de subversion des plateformes virtuelles, elle détourne ou amplifie les codes particulièrement genrés des productions amateurs en ligne, et adapte ainsi au paysage médiatique contemporain des stratégies artistiques féministes historiques issues du domaine de la vidéo.

Me singing Stay by Rihanna, réalisée en 2018, est emblématique du travail de Molly Soda sur la « bedroom culture », et sur l’articulation, sinon la coalescence, entre les sphères publique et privée qui caractérise la génération des « digital natives ». L’œuvre traite des pratiques amateurs de la reprise musicale en ligne. Celle-ci est souvent le fait de jeunes femmes, qui chantent face caméra et en solo, des titres populaires contemporains ou plus anciens. Molly Soda synchronise ici plusieurs dizaines de performances de la chanson « Stay » de Rihanna, pour introduire une réflexion sur le pouvoir émotionnel de la musique et la standardisation de l’intimité. Par une mosaïque de portraits mélancoliques, elle glisse ainsi de l’individu solitaire à la communauté, de l’autoportrait à la chorale, et de l’amateurisme à l’industrie musicale.

Philippe Bettinelli, 2024